Les seigneurs d'Ailleboust et de Ramezay

Par François Faribault, arrière-arrière-petit-fils de Pierre-Thomas Lévesque.

La seigneurie « d’Ailleboust » est concédée en 1736 par Charles Beauharnois de la Boische, gouverneur général de la Nouvelle-France de 1726 à 1746, à Jean d’Ailleboust d’Argenteuil alors que la seigneurie de « Ramezay » est concédée par le même gouverneur à Geneviève de Ramezay, veuve d’Henri-Louis Deschamps de Boishébert et fille de Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal de 1704 à 1724 et gouverneur général de la Nouvelle-France par intérim, de 1714 à 1716, en l’absence de Philippe de Rigaud de Vaudreuil.

 

Entre 1755 et 1800, les deux seigneuries connaîtront trois propriétaires. C’est à la faillite du dernier que profite Pierre-Louis Panet (Ci-contre; collection privée) qui en fait l’achat en 1800. En 1802, il fait arpenter et borner ses nouvelles terres qui s’étendent de Ste-Émélie de l’Énergie au NE jusqu’à St-Côme au NO, jusqu’à St-Charles-Borromée au SO et, de là, suivant le tracé de la rivière L’Assomption, jusqu’à St-Félix de Valois au SE.

Avocat, notaire, fonctionnaire, homme politique et juge, Pierre-Louis Panet avait fort peu de temps à consacrer à ses deux nouvelles seigneuries mais il y fit tout de même procéder à la construction d’un manoir en 1811 dans lequel il ne vécut jamais puisqu’il mourut, à Montréal, en 1812. Dès lors, c’est son épouse, Marie-Anne Cerré (Ci-contre, collection privée), qui prend la relève, quitte Montréal, s’installe au manoir et amorce le développement des seigneuries d’Ailleboust et Ramezay. Elle fera construire sur la « Pointe Ennuyante », en un point de rapides de la rivière L’Assomption, les deux moulins banaux (à scie et à farine), obligation de tout seigneur. Marie-Anne Cerré décède en 1828.

Portrait de Marie-Anne Cerré

Des douze enfants qu’elle a mis au monde, il n’en reste alors que cinq (Ci-après, dans l’ordre; collection de l’auteur): Louise-Amélie (1789-1862), Charlotte-Mélanie (1794-1872), Thérèse-Eugénie (1798-1866), Pierre-Louis (1800-1870) et Marie-Anne (1806-1863). C’est donc ces cinq descendants qui deviendront copropriétaires des deux seigneuries.

Louise-Amélie, mariée à William Bent Berczy (1790-1873), sera celle qui habitera le manoir dès 1832 jusqu’à son décès en 1862, et son mari jusqu’au sien, en 1873. De ces 5 descendants, seuls Pierre-Louis et Charlotte-Mélanie auront des enfants: une seule fille pour Pierre-Louis: Marie-Louise Panet; et quatre fils pour Charlotte-Mélanie, mariée à Marc-Antoine Louis Lévesque: Charles, Guillaume, Louis et Pierre-Thomas. De ces quatre fils, seuls Guillaume et Louis demeureront célibataires. Charles aura une fille, Jessy Béatrice qui épousera Alfred Laviolette, industriel de St-Jérôme, avec qui elle aura deux enfants qui mourront tous deux en bas-âge. Pierre-Thomas, marié à Avelina Beaupré, aura 8 enfants, toutes filles, dont deux mourront en bas-âge. Cette lignée Lévesque s’est éteinte avec le décès de Pierre-Thomas en 1906.

Les seigneuries d’Ailleboust et Ramezay, réunies sous le nom de Fief Jouette entre 1756 et 1766, redeviennent deux entités entre 1766 et 1828, année du décès de Marie-Anne Cerré, veuve Panet.

Entre 1828 et 1879, l’ensemble des deux seigneuries est divisé en cinq portions, chacune étant attribuée à l’un des héritiers de Pierre-Louis Panet et Marie-Anne Cerré.

En 1879, le dernier survivant Lévesque, Pierre-Thomas, épouse celle qui lui voue une admiration sans borne depuis son enfance, sa cousine germaine et dernière survivante Panet, Marie-Louise. C’est par ce mariage que l’on voit les deux seigneuries réunies à nouveau, pour la dernière fois.

Pierre-Thomas Lévesque mourra en 1906 et Marie-Louise Panet en 1912. Inhumés côte-à-côte au cimetière Côte-des-Neiges de Montréal, Pierre-Thomas a tenu à faire inscrire sur son monument:

« Dernier seigneur d’Ailleboust« 

Pierre-Thomas Lévesque et Marie-Louise Panet vers 1879

Archives de l’auteur

Pierre-Louis Panet est le fils de Pierre-Méru Panet (1728-1804), émigré au Canada en 1746. Pierre-Méru Panet est, avec le juge Montgomery, celui qui a été chargé de négocier la capitulation de Montréal face aux Américains en 1775. Un des frères de Pierre-Méru Panet est Jean-Claude Panet (1720-1778), lui aussi émigré de France, en 1740. Jean-Claude Panet, notaire, est le père de Jean-Antoine Panet, premier président de la Chambre d’Assemblée du Canada dont on peut voir l’immense tableau au Parlement de Québec. Les Panet sont catholiques.

Marc-Antoine Louis Lévesque est le fils de François Lévesque (1732-1787), huguenot français de Normandie émigré au Canada suite à la Conquête de 1760. Coïncidence cocasse, c’est devant le notaire Jean-Claude Panet (cité au paragraphe précédent) qu’il signe son contrat de mariage! Tous les enfants de François Lévesque et de son épouse Catherine Trottier Desaulniers Beaubien seront élevés dans la religion catholique.

Outre le portrait de Pierre-Louis Panet et celui de Marie-Anne Cerré, qui proviennent de la collection privée d’une cousine, les images sont tirées de mes archives.