Historique

En 1800, le juge de la Cour du banc du Roi, Pierre-Louis Panet, acheta la seigneurie d’Ailleboust. M. Panet meurt au lendemain de la fin de la construction du manoir (1) , en 1812. Sa femme, Marie-Anne Cerré, est la première à développer le domaine jusqu’à sa mort en 1828. La fille ainée, Louise-Amélie, va tranquillement prendre la relève, pour s’y installer définitivement en 1832, jusqu’à son décès en 1862; son mari, William Bent Berczy (2) , fils du plus important peintre canadien (3) du début du XIXe siècle, lui survivra et sera le premier maire de Sainte-Mélanie. Le premier dessin du village en 1840 est de lui.

Louise-Amélie et son mari développeront le peuplement de la seigneurie, qui comprend aussi Sainte-Béatrix et Saint-Jean-de-Matha (4) . Le Répertoire du patrimoine culturel du Québec indique : En plus d’assurer la gestion de la seigneurie, il semble qu’elle tient des salons littéraires à son manoir, auxquels participent des notables lettrés (5). De 1822 à 1850, dans le silence du manoir, cette femme «très instruite, d’une grande intelligence, miniaturiste et musicienne de talent qui parlait français, italien, allemand et anglais» (6) écrit l’œuvre fondatrice de la littérature québécoise, dont, publiée bien tardivement en 2000, l’édition critique d’un poème de 1101 vers, avec chanson folklorique et d’abondantes notes: Quelques traits particuliers / Aux Saisons du Bas-Canada / Et aux mœurs / De l’habitant de ces Campagnes / Il y a quelques quarante ans / Mis en vers (7) . Ces écrits furent rédigés entre le 28 janvier 1836 et le 29 mars 1839. Le poème commence à être rédigé au lendemain de l’observation d’une aurore boréale sur la montagne de Sainte-Mélanie.

Louise-Amélie fut, en son temps, l’une des femmes très instruite du Bas-Canada avec une vision d’avant-garde et un jugement qui ne cesse d’étonner par son acuité, sa persistante actualité ; elle fait dire à un habitant moribond perdu en forêt, secouru par un Atikamekw:

« C’est un sauvage, il me voit misérable,
En but à toi, famine détestable,
Tout il oublie et la fraude et les torts
Qu’on fait aux siens les blancs méchants et forts,
Il me prodigue et soins et pitié tendre,
Un d’entre nous saura t-il les lui rendre ? »

Ce très long poème de Louise-Amélie Panet-Berczy se clôt ainsi :

« Bénite soit ma terre vénérable, (…)
Ta fille t’offre, amour, louange, honneur !!
Tu l’as reçue a son heure première,
Ton sein sacré cachera sa poussière :
Mon pays cher, âpre climat du Nord,
Je t’appartiens pour la vie et la mort ! »

Le manoir fut un cœur culturel pour une élite canadienne-française: le premier maire de Montréal, Jacques Viger, Louis-Joseph Papineau, les frères Baby s’y donnent rendez-vous. Les discussions politiques forment le caractère des deux jeunes fils de Charlotte-Mélanie, Charles et Guillaume Lévesque, qui s’engagent dans la bataille de 1837-38, du côté des patriotes. Guillaume est capturé, condamné à mort, gracié et exilé grâce à l’intercession de membres de sa famille, dont Louise-Amélie Panet. Ils nous laissent tous deux une œuvre littéraire; c’est assez récemment qu’on a découvert le manuscrit d’un extraordinaire et bouleversant poème d’exil de Guillaume.

Sur la photo, on voit le poète Jean-Paul Daoust et le musicien Yves Lambert en performance dans le salon du manoir.

Tout cela pour dire que le manoir Panet fut un foyer significatif de la naissance comme de l’affirmation d’une culture canadienne-française autonome. Aussi, par son mari, enterré au cimetière anglican de Saint-Ambroise-de-Kildare, le manoir est un lieu de mémoire du Haut-Canada.

La Société veut restaurer le manoir Panet pour en faire un centre culturel, renouant avec ce passé lointain où Louise-Amélie Panet y tenait salon littéraire et y célébrait la musique et la peinture avec son époux, William Bent Berczy.

 

Notes.
1- Le Manoir Panet – Histoire d’un patrimoine, Jovette Bernier, Rapport d’étude, UQAM, 1978, 16 pages.
3- Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5. http://www.biographi.ca/fr/bio/berczy_william_5F.html
6- Les Panet de Québec, Histoire d’une lignée militaire, Jacques Gouin et Lucien Brault, Éditions Bergeron, 1984, p. 174,
citation de E.Z. Massicotte.
7- Quelques traits particuliers aux saisons du Bas Canada et aux Mœurs de l’habitant de ses campagnes il y a quelque
quarante ans de Louise-Amélie Panet, Roger Le Moine, Éditions David, 2000.
8- Les archives numériques de Bibliothèque et Archives nationales du Québec ont plusieurs photos du manoir Panet allant
de 1925 à 1961.

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